Loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 : explication de vote Par Laurence Cohen, sénatrice

Publié le par Les Nouvelles de Bigorre

Loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 : explication de vote Par Laurence Cohen, sénatrice

Après 5 jours de débats très denses sur le PLFSS 2018, nous avons la confirmation que notre système de protection sociale est l’objet d’une déstructuration complète de la part de votre gouvernement qui amplifie les choix antérieurs dont on a pu constater les effets désastreux, de la loi HP-ST à la loi Touraine.

Durant cette semaine, ce sont en réalité deux visions de l’avenir de notre système de sécurité sociale qui se sont ainsi affrontées, deux projets de société diamétralement opposés.

La vision, que vous avez présentée avec " tact et mesure" pour plagier les termes de l’article de loi censé lutter contre les dépassements d’honoraires et qui sont notoirement insuffisants, c’est transformer la Sécurité sociale en un système étatique et fiscalisé qui prendrait en charge uniquement les prestations sociales des plus précaires : les familles monoparentales, les privé.e.s d’emplois, les retraité.e.s les plus fragiles...

Les autres n’ayant comme seul choix que d’avoir recours à un système assuranciel, les protégeant en fonction de ce qu’ils peuvent payer.

On est loin de « chacun paie en fonction de ses moyens et reçoit en fonction de ses besoins’’. Ce projet de privatisation de la santé rejoint totalement celui de la droite.

Notre vision est aux antipodes de ces choix, nous défendons un système de protection sociale pour toutes et tous qui, certes doit évoluer, mais doit continuer à reposer sur ses principes fondateurs : la solidarité, l’universalité des prestations, la gestion démocratique et le financement par la cotisation sociale.

Avec ce PLFSS, vous raisonnez en termes de restrictions budgétaires, donc d’affaiblissement du service public de santé malgré votre refus de le reconnaître.

Ainsi Madame la ministre, lorsque je suis intervenue pour dénoncer le niveau de l’Ondam hospitalier fixé à 2,3 % pour 2018 jusqu’en 2020, soit un manque à gagner de 4 milliards d’euros par an, vous m’avez répondu, je vous cite : « Le système dysfonctionne non par manque d’argent mais parce que nous n’avons pas fait les réformes nécessaires. […] Je souhaite un changement de philosophie. Je vous propose une réforme de fond qui réduira la gabegie et concentrera les dépenses sur les soins utiles. » (fin de citation).

Et malheureusement, notre groupe, le groupe CRCE, a été le seul à voter contre cet ONDAM !

Il y a, dans les tribunes, des femmes et des hommes qui travaillent au quotidien à l’hôpital avec des moyens en baisse et qui jugeront ! Malgré votre refus de voir la réalité en face, Madame la Ministre, ils vous diront qu’ils subissent le non remplacement des départs à la retraite, les fermetures des services, comme à Henri Mondor de Créteil pour lequel de lourdes menaces pèsent sur la    chirurgie cardiaque et hépatique, 6 ans après une lutte exemplaire qui avait permis de sauver la chirurgie cardiaque !

Ces personnels soignants, toutes catégories confondues, sont en souffrance car on leur demande toujours plus avec moins, ils subissent les suppressions de lits, la vétusté du matériel, la pression hiérarchique des gestionnaires qui suppriment les 35h, la réduction du nombre de RTT... C’est vrai sur tout le territoire, des hôpitaux de l’APHP à l’hôpital de Bastia en Corse.

 Vous dites qu’il faut réduire « la gabegie » quand ces agents parlent de « pénurie ». Là encore, ils apprécieront vos propos !

Refuser obstinément d’aller chercher des recettes nouvelles notamment en stoppant les exonérations de cotisations patronales et en taxant la finance, c’est ne pas créer les conditions pour désengorger les urgences, desserrer l’étau qui asphyxie les hôpitaux, revitaliser et améliorer la psychiatrie de secteur, lutter contre les renoncements aux soins, combattre les déserts médicaux, garantir le suivi des personnes en perte d’autonomie, assurer un maillage territorial comprenant pour le moins un hôpital public de proximité, une maternité, un établissement médico-social, un EHPAD et un centre de santé par bassin de vie !

Madame la Ministre, pourquoi n’êtes-vous pas aussi sévère avec les entreprises qui, en 2019, bénéficieront du versement du CICE dû au titre de 2018 et des réductions de cotisations, pour environ la « modeste » somme de 25 milliards d’euros. Vous ne pensez pas que le terme de gabegie est ici plus approprié ?
Votre politique, c’est la politique « des 2 poids, 2 mesures. » Aucun article de ce PLFSS n’est consacré aux moyens de combattre la fraude patronale qui s’élève pourtant à 20 milliards d’euros tandis que vous traquez la fraude sociale, sans commune mesure. Le défenseur des droits a d’ailleurs mis en garde sur des erreurs de déclaration plus que des volontés intentionnelles de fraude.

Tandis que vous justifiez la suppression de l’impôt sur la fortune pour les cent foyers les plus riches, ce qui correspond à une perte de 3,4 milliards d’euros pour satisfaire les biens communs, vous vous acharnez sur les salarié-e-s et les retraité-e-s en augmentant la CSG de 1,7%.

Nos amendements, conjugués à d’autres, ont permis de limiter un peu cette injustice, puisque notre Haute Assemblée bien qu’elle n’ait hélas pas voté sa suppression, a tout de même rejeté la hausse de la CSG sur les pensions de retraite et d’invalidité, les personnes dédommagées au titre de la Prestation de Compensation du Handicap et pour les artistes auteurs.

Malheureusement, ces avancées ainsi que les reculs que nous avons évités sur les articles portant sur la politique familiale, risquent d’être balayées par l’Assemblée Nationale.

Et comment ne pas regretter que la généralisation du 1/3 payant soit remise à plus tard, que vous n’ayez pas entendu Madame la Ministre, les nombreux Français-e-s qui auraient préféré un débat plus approfondi sur les conditions de l’extension vaccinale avant d’être mis devant le fait accompli ?
Enfin, nous serons très vigilants dans les mois qui viennent sur les engagements que vous avez pris concernant la limitation des prix des médicaments.

Mes Cher-e-s Collègues, en 2017, il n’est pas utopique de vouloir mettre à contribution le capital pour permettre une prise en charge à 100% de tous les soins pour toutes et tous, il n’est pas utopique non plus de répondre aux besoins de santé de nos concitoyen-n-es, comme nous l’avons démontré avec Dominique Watrin, tout au long de ces débats.

Mais ni le gouvernement Philippe-Macron ni la droite sénatoriale n’en ont la volonté politique.
Pour toutes ces raisons, le groupe Communiste républicain, citoyen et écologiste votera contre ce PLFSS 2018.

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