Qu'importe que nous ayons compris avant les autres ?

Publié le par Les Nouvelles de Bigorre

Qu'importe que nous ayons compris avant les autres ?

Vous avez tous lu cette phrase dans le papier de Pierrot Domengès des Nouvelles de Bigorre de décembre. J’imagine qu’elle fait écho chez Bernard Latger, comme elle le fait pour moi, « gardiens du temple » en voie de disparition que nous sommes.

Elle interpelle, à mes yeux, sur le sens profond qui devient évidence au regard de l’actualité. Car Pierrot poursuit : « posons nous la question : comment a-t-on pu s’éloigner tant du peuple que nous entendons défendre ? ». On peut, du reste, inverser la proposition : comment le peuple a-t-il pu s’éloigner de nous à ce point ?

Si je partage la satisfaction des camarades de notre délégation au congrès sur le fait que l’unité de notre parti ait été préservée, il n’aurait plus manqué que ça, la question reste posée ; mais je ne suis pas convaincu que nous soyons suffisamment à la hauteur.

Les gilets jaunes font remonter à la surface tout ce qui exprime la crise profonde de la société, mais leur mouvement montre, en même temps, qu’ils ont du mal à faire le tri entre ce qui pourrait nous permettre d’en finir avec cette crise (celle de la société) et ce qui relève de l’enfumage ou de l’éteignoir. Le rôle du parti révolutionnaire n’est-il pas de contribuer à faire grandir la conscience des mesures et des moyens pour faire évoluer la société dans le sens d’une transformation radicale ? Non pour  « une société PLUS juste,  PLUS humaine, PLUS fraternelle » mais pour une société juste, humaine, fraternelle.

Si nous ne parvenons pas à désigner les choses, les responsabilités, les « riches », certes, mais s’en tenir à dénoncer, à juste titre, cette catégorie sociale (je n’écris pas classe sociale, car, si on ne fait pas partie des plus défavorisés ou des plus pauvres, on est alors souvent un « riche » par rapport à ceux-là) sans  les définir comme ceux qui vivent de ce que leur rapporte la propriété du capital, on aura du mal à rassembler. Est-il riche, aujourd’hui, celui qui touche 1,5 ou 2 SMIC, ou, encore ces parlementaires certes correctement rémunérés mais qui nous coûtent « un pognon de dingues » ?

Ne faut-il pas regarder du côté des actionnaires du CAC 40 qui se sont attribué  57 milliards de dividendes en 2018, 57 milliards produits non pas par leurs capitaux mais par tous ceux qui travaillent.

Il ne suffira pas de fustiger les riches et leur demander un petit effort pour plus de justice fiscale. Le capital n’a pas un coût. Il est prédateur et il pervertit la société toute entière ; n’est on pas invité lorsqu’on a quelques petites économies,  par les sociétés d’assurances, même par les mutuelles, à faire des placements financiers, pour « faire » un peu plus d’argent avec notre argent ? Un peu comme les actionnaires, en fait.

S’attaquer au «coût du capital » peut apparaître comme une idée juste, mais sans aucun doute insuffisante, quand ce qui est posé, c’est la question de la propriété du capital, sa maîtrise et la maîtrise de son utilisation par l’ensemble de la société, qui par sa productivité est à son origine. Il est vrai que dans une « société marchande » tout a un coût. Nous voulons une société où tout ne soit pas une marchandise. Ni la santé, ni l’éducation, ni le logement, ni le transport, ni…ni…ni le travail, qui n’est pas un coût mais ce qui produit la richesse, d’où la nécessité de réfléchir à ce qu’est le salaire et pas seulement son niveau.

Tout cela nous l’avions compris. Mais j’ai l’impression qu’on baisse la barre et que l’on cède à la sémantique ambiante, celle de la classe dominante, celle qui possède le capital. Et qui ne s’inquiète pas outre mesure quand on se satisfait d’obtenir seulement une part un petit peu plus grande de son gâteau.

En rester à ce niveau alimente les populismes de droite (voir comment Marine   Le Pen reprend certaines   formules qui parlent au peuple) comme de gauche, le dégagisme, sans que l’on sache vraiment par quoi on remplace ceux qu’on dégage : Macron n’est-il pas un enfant du dégagisme ?

Ce sont là quelques questions sur lesquelles, me semble-t-il, nous avons quelques insuffisances à combler si nous voulons rendre claire, visible et crédible notre visée. Nous en avons conscience,  apparemment : la lecture de la présentation de notre campagne nationale pour les salaires et le pouvoir d’achat, dans « Communistes » du 19 décembre par Pascal Joly, membre du CN l’explicite quand il écrit : « Il faut donc à mon avis conjuguer exigences et urgences sociales et coût du capital pour décortiquer et mettre en exergue les logiques politiques qui amènent le gouvernement par exemple à refuser tout coup de pouce au SMIC . Même si nous savons que cela serait largement insuffisant. » (Souligné par moi). 

Le peuple n’aurait-il alors la possibilité de ne pouvoir s’appuyer que sur des insuffisants ? Souhaitons- nous une année qui en finisse avec toutes les insuffisances.

                                                                                  Michel CASSAGNE

Publié dans Billet

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