Pluie d'étoiles

Publié le par Les Nouvelles de Bigorre

Il n'y a plus de stars en France, tout juste quelques étoiles filantes qui ne brillent pas plus qu'un ver luisant. Des étoiles filantes souvent bien naïves car elles ne savent rien de leur fragilité et ne mesurent pas l'éphémère ni les cruelles impasses de l'oubli.

Le public ne se donne  plus le temps d'aimer, à peine de s'enticher un court moment entre deux nouveautés, vidéos, tubes  d'une industrie musicale qui  fabrique des plaisirs « flash ».

L'hystérie qui accompagna le décès de Johnny symbolise, à mon sens, la fin d'une époque, celle des vraies stars, car que l'on aime ou non l'artiste, nul ne peut nier l'impact qu'il eut sur plusieurs générations des fans qui souvent s'identifièrent à lui. C'est comme s'il représentait à la fois un grand frère, un père, un fils idéal, un chef de bande. Toujours ce penchant des français envers l'homme providentiel  qu'il soit vedette de la chanson du cinéma ou de la politique, toujours cette envie de s'identifier à celui qui brille dans un firmament interdit aux peigne culs. Ce phénomène s'accentue à mesure que les temps deviennent fous et que les pertes de repères sont de plus en plus prégnantes. Je me suis quant à moi gardé de toute forme d'idolâtrerie et exclusivement attaché à l’œuvre et non  à l'homme. Ce qui me permet de lire Céline avec régal tout en détestant l’antisémite qu'il fut.

Si l'on évoque les grands de la chanson Française on entendra immanquablement «Il n'y aura plus de Piaf, de Ferré, de Brel, de Brassens» comme s'ils étaient le fruit d'une époque révolue lors de laquelle une conjonction de phénomènes surnaturels ou d'alignement de planètes avait engendré une génération d'artistes hors pairs. Je pense néanmoins qu'il faut chercher ailleurs les raisons de l’appauvrissement de la scène de notre pays. Il y avait jusqu'à la fin des années soixante de véritables dénicheurs de talent qui, faute d'internet, parcouraient les salles, cabarets, scènes, et qui savaient miser sur le long terme, accompagner la création  y compris dans les périodes de doute, de pages blanches et de perte d'inspiration. On laissait le temps à l’artiste pour lequel on avait décelé d'immenses prédilections. Par ailleurs l'environnement populaire des artistes était une formidable source nourricière. Je ne pense pas uniquement au Paris « rive gauche » qui brassait poètes, écrivains, chansonniers, mais aussi à toutes les proximités avec le monde du travail et  des luttes sociales.

De nos jours la culture n'échappe pas aux lois du capital, il faut sans cesse mettre sur le marché de nouveaux produits. De belles tomates calibrées, rondes et brillantes, qu'importe si elles ne sont pas mûres et quelles n'ont aucun goût, elles sont formatées pour attirer l’œil du client lui même biberonné aux offres des radios et des télés.

Ces tomates insipides, ces poulets en barquettes défilent sur les écrans à longueur de médias, de « the voice » de « star académie » lorsqu'on consacre l'interprétation plutôt que la création et que l'on envoie de petites étoiles filantes vers l'oubli. Les prochaines sont déjà dans les starting blocs. Les maîtres du show biz jouent aux petits chevaux et ont toujours une étoile sur la ligne de départ.

De nos jours, l’accès aux pratiques s'est démocratisé pour les classes moyennes, les cours privés d’apprentissage d'instruments permettent un nivellement technique correct. Le matériel devient plus accessible et nous assistons à l'émergence de projets musicaux qui singent immanquablement les étoiles du moment et dont le contenu est plus préoccupé par la date du démarrage des soldes d'été que des défis idéologiques de notre époque. Certes il y a quelques rappeurs qui ont inventé des codes d’expressions qui racontent des quotidiens terribles, des slameurs qui, s'inspirant des incantations de Léo Ferré dans son album Basta viennent titiller la poésie sonore, des Marc Alexandre Oho Mambé, des Erwan Pinard, des Joe Wedin et Jean Felzine, des Miossec qui sont les exceptions tout juste visibles, mais ce que l'on nommait avec fierté « chanson française » n'est plus qu'un alignement de produits rutilants sur un étal de supermarché.

Je termine cet article avec  une certaine fierté de ne pas avoir vociféré sur la France insoumise  ce qui devrait, peut-être, soulager les quelques FI qui m'ont adressé des mails de réprobation pour ne pas dire plus. Comme quoi, la magie de Noël…..

Piere DOMENGES

Eleveur de pingouin

Publié dans Humeur

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